La solidarité fiscale du chef d’entreprise condamné pour fraude fiscale, une sanction évitable : une économie d’un demi million d’euros réalisée pour un client du cabinet

 

Le cabinet DNM AVOCAT vient d’obtenir en droit pénal des affaires, par jugement du Tribunal correctionnel de CARCASSONNE du 18 octobre 2023, le prononcé de l’exclusion de la « solidarité fiscale » demandée par la Direction des finances publiques afin de pouvoir poursuivre à la fois la société et le cogérant. Le cogérant reconnu responsable pénalement ne sera donc pas tenu de régler cette somme de 531.068,00 euros détournée par la société qu’il cogérait.

 

  • Fraude à la TVA et solidarité fiscale :

En matière de lutte contre les infractions fiscales, le législateur a offert aux juges la possibilité de rendre solidaires fiscalement les personnes auteurs ou complices de fraude fiscale, y compris lorsqu’elles ne sont pas redevables de l’impôt fraudé. Cette situation correspond à celle de la responsabilité pénale des chefs d’entreprise accusés de fraude fiscale à l’occasion de la gestion de leur société et qui encourent, non seulement une condamnation pénale mais aussi le risque de devoir payer eux-mêmes l’impôt réclamé à leur société.

Notre cabinet d’avocat a ainsi eu à défendre un cogérant d’une entreprise en difficulté dont les autres cogérants avaient minoré des déclarations de chiffres d’affaires, donc la TVA à régler aux finances publiques, afin de réagir à une situation de crise et garantir le paiement des factures et salaires. L’infraction de fraude fiscale ne nécessitant pas de caractériser une volonté d’enrichissement personnel – absent en l’espèce – la condamnation pénale était malheureusement inévitable, mais se posait alors la question financière de la solidarité fiscale du cogérant défendu. Avec la précision ce dernier n’avait lui-même pas commis cette infraction n’ayant aucune mission comptable ni fiscale, mais travaillait sur les chantiers de la société.

Heureusement, contrairement à une idée reçue, cette solidarité fiscale n’est pas automatique, et le chef d’entreprise en difficulté conseillé et défendu par un avocat intervenant en Droit pénal des affaires pourra éviter cette « seconde sanction » financière.

 

  • La solidarité fiscale, un véritable risque pour le chef d’entreprise :

La solidarité fiscale est un mécanisme juridique prévu par l’article 1745 du Code général des impôts (CGI) : « Tous ceux qui ont fait l’objet d’une condamnation définitive, prononcée en application des articles 1741, 1742 ou 1743 peuvent être solidairement tenus, avec le redevable légal de l’impôt fraudé, au paiement de cet impôt ainsi qu’à celui des pénalités fiscales y afférentes ».

Son application suppose simplement qu’une personne soit condamnée comme auteur, co-auteur ou complice de fraude fiscale et que le juge décide de prononcer la solidarité fiscale, afin de permettre au créancier de la somme détournée de se retourner non plus simplement contre la société fraudeuse, mais aussi contre les personnes physiques rendues solidaires, pour leur réclamer le paiement de l’impôt.

En pratique l’administration fiscale demande donc systématiquement l’application de cette solidarité fiscale, qui est souvent pour elle le seul moyen de récupérer l’impôt fraudé, notamment lorsque l’entreprise concernée est placée en liquidation judiciaire et que seul le gérant personne physique peut être poursuivi pénalement pour obtenir le remboursement. Cependant, l’application de ce mécanisme n’est pas automatique est le contribuable concerné peut espérer y échapper.

 

  • La liberté d’appréciation par le Tribunal des circonstances et de la bonne foi du contribuable :

Une lecture attentive de l’article 1745 du CGI permet de constater que le législateur a laissé le juge libre des conséquences de sa décision, en prévoyant que les auteurs « peuvent être solidairement tenus (…) au paiement de l’impôt fraudé ». La solidarité fiscale n’est donc pas une peine applicable de plein droit et doit être nécessairement décidée par le tribunal.

Cette analyse est reprise par les juridictions pénales qui rappellent qu’elles disposent de la faculté de « dispenser totalement le prévenu reconnu coupable de fraude au regard des circonstances entourant les faits, de leur gravité ou de leur personnalité de ce dernier » (Cour d’appel de Versailles, 12 septembre 2014, 13/04106).

Concrètement, cela signifie qu’il ne suffira pas de constater l’existence d’une fraude fiscale mais de considérer chaque situation de manière individuelle (faits, gravité et personnalité de l’auteur). La décision du juge sera alors lourde de conséquences, tant pour le mis en cause que pour l’administration fiscale, condamnant soit la personne à une solidarité fiscale complète, soit l’exonérant totalement.

Maître David NABET-MARTIN a ainsi pu s’appuyer sur cette jurisprudence pour demander qu’un de ses clients, un cogérant d’entreprise poursuivi pour fraude fiscale, ne soit pas condamné à la solidarité fiscale, tandis que les sommes en jeu représentant plus d’un demi-million d’euros.

Le chef d’entreprise concerné n’avait en effet pas pris personnellement pris part aux faits frauduleux mais voyait sa responsabilité pénale engagée en raison de sa seule qualité de cogérant, n’ayant lui-même pas participé à la commission des faits infractionnels. Par ailleurs, il n’y avait pas eu d’enrichissement personnel, mais seulement la volonté de ses cogérants de dégager de la trésorerie pour payer les salariés et les créanciers de la société. Enfin, sa situation personnelle, père de famille sans casier judiciaire et en situation de surendettement depuis la faillite de la société, permettait de plaider en faveur d’une dispense de solidarité fiscale, tandis que les autres cogérants avaient disparus (abandon de la gérance ou décès).

Prenant en compte ces arguments, le tribunal correctionnel a fait le choix de condamner le chef d’entreprise à une simple amende dont une partie avec sursis (50.000 euros dont 45.000 euros avec sursis), et de le dispenser de la solidarité fiscale demandée par les finances publiques.

Il s’agit d’une victoire importante pour notre cabinet en termes financiers, mais également afin que justice soit rendue dans l’intérêt du client qui n’avait lui-même pas commis cette fraude fiscale, n’en avait tiré aucun bénéfice et se trouvait seul depuis de nombreuses années pour gérer les fautes commises par les anciens cogérants disparus.

Enfin il convient d’observer que la dispense de solidarité fiscale permet également d’atténuer le principe de responsabilité quasi « irréfragable » du cogérant en cas de faute commise par l’autre cogérant ou au bénéfice de la société, du fait de sa seule qualité de gérant de la société. Les juridictions pénales appliquent en effet avec une automaticité critiquable ce principe de responsabilité du cogérant, ce qui a conduit en l’espèce le Tribunal correctionnel à prononcer une peine d’amende à l’encontre de notre client, mais tout en le dispensant de rembourser la dette fiscale que devait la société pour défaut de paiement de la T.V.A.

 

Me David NABET-MARTIN, Avocat associé.

M. Daniel MOLINA, juriste.

 

* Tribunal correctionnel de Carcassonne, Audience publique du 18/10/2023, parquet n°17269000049






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