J’intervenais hier à l’hôpital psychiatrique Marchant, sur désignation du Bâtonnier de Toulouse, pour assister des personnes hospitalisées sans consentement.

Il s’agit de procédures privatives de libertés, permettant la réalisation de soins forcés, qui sont en pratique organisées à la demande de tiers (famille, préfet, maire ou d’un juge). Ces demandes sont ensuite soutenues par des médecins psychiatres (provenant d’établissements distincts en l’absence d’urgence ou de péril imminent), puis par le directeur de l’établissement d’admission.

Au-delà de ces premiers « filtres », chaque hospitalisation d’office est réalisée sous le contrôle d’un Juge des libertés et de la détention avant le 12ème jour, puis a minima tous les six mois, avec intervention d’un avocat pour vérifier le respect des règles de procédure.

Le Code de la santé publique impose quant à lui comme condition primordiale l’impossibilité du consentement du patient, puis la demande d’un tiers ou l’existence d’un danger imminent.

Or cette condition délicate de la disparition de la conscience du patient est trop souvent occultée. Ce qui pose un réel problème en termes de violation libertés fondamentales, sous couvert d’un objectif louable de protection du patient contre lui-même (mais insuffisant en présence d’une faculté de consentement). Le risque étant bien sûr celui du détournement de procédure d’hospitalisations psychiatrique pour des personnes toujours aptes à refuser leur traitement, ou d’hospitalisations excessives (ce qui est heureusement exceptionnel).

Toutefois, comme pour le sujet d’actualité de la vaccination, faut-il rappeler que tout traitement médical doit par principe être consenti par le patient ? Car c’est bien le cœur du problème.

À décharge se pose bien sûr l’autre question d’éviter des violences sur autrui, ou sur soi-même pouvant aller jusqu’au suicide, légitimant l’hospitalisation. Étant cependant précisé que le droit au suicide existe en France (depuis sa dépénalisation au siècle dernier) ; à la différence de l’assistance ou de la provocation au suicide (cf. Débat sur l’euthanasie ou affaire de l’ouvrage « Suicide mode d’emploi »).

C’est à se demander si en ce cas la fin justifie les moyens… Même pour l’avocat (bien que la réponse doive être négative pour lui considérant son rôle dans la procédure).

En tout état de cause il est essentiel de transmettre ses critiques, observations et réserves au juge contrôlant l’hospitalisation, devant vérifier la régularité de la procédure. Mais encore faut-il être attentif à la volonté du patient, qui peut lors de l’entretien nuancer ses réticences et exprimer son besoin de soutien médical.

Il devient toutefois impossible de questionner le patient lorsqu’il ne se présente pas. Que son absence résulte de sa décision (remarquons qu’il est ici suffisamment « conscient » pour refuser d’être présent à sa propre audience, mais pas suffisamment pour refuser des soins…). Il est de même impossible de le questionner sur les conditions de son séjour et sur ses besoins lorsque son absence imposée émane d’un ordre médical, ce qui est très souvent le cas en pratique.

Alors, comment le juge et l’avocat peuvent-ils vérifier efficacement le respect des droits du patient, sans même pouvoir le rencontrer, autrement qu’en s’en remettant à la décision du psychiatre ? Le législateur impose pourtant l’intervention du juge et de l’avocat en soutien du médecin, en raison de leur regard distinct (juridique et extérieur au milieu psychiatrique). En effet ne peuvent être exclues des erreurs humaines. Comme il doit être permis aux patients de s’exprimer auprès d’autres interlocuteurs. Enfin doit simplement pouvoir être exercé le rôle de défense du patient et limité autant que possible le « jugement sur dossier », sans rencontrer le principal concerné.

Précisant qu’en pratique ces décisions ne sont malheureusement que trop peu motivées, une dizaine de dossiers devant être traités en une courte matinée. De même que les justifications des hospitalisations sont souvent des reprises des anciens certificats médicaux, ou ne prennent pas le soin de décrire concrètement les manifestations de la folie du patient (mais se contentent de formules médicales génériques…).

C’est pourquoi il est précisément du rôle de l’avocat de ne surtout pas cautionner de telles imprécisions et d’en alerter le juge, éventuellement avec mesure selon les cas. Le juge vérifiera alors en détail le dossier et sera attentif à la motivation de sa décision (qu’il libère le patient ou prolonge son hospitalisation).

Il en va d’ailleurs du fonctionnement du régime légal d’hospitalisation sous contrainte. Car sans ce regard, en l’absence de défense méticuleuse des violations graves des droits fondamentaux peuvent être commises. L’avocat ayant justement pour mission d’être attentif aux éventuelles irrégularités, avant que le juge puisse, en connaissance de cause, le suivre ou le pondérer.

Heureusement les étapes de la chaîne de contrôle et l’implication professionnelle des différents intervenants permettent dans une grande majorité des cas de garantir les droits des patients et de privilégier l’orientation vers des soins consentis.

Mais gageons de prudence en cette matière si délicate, où la qualité des motivations médicales et juridiques sont essentielles, comme l’humilité de l’ensemble des intervenants.

Les articles de loi :

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041721196/






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