Un citoyen albigeois obtient le rétablissement de faits rapportés par la presse, dans l’attente de la reconnaissance de son statut de victime par la justice
Article 13 de la loi du 28 juillet 1881 sur la Liberté de la presse,
Article 6 IV de la loi sur la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004,
Décret du 24 Octobre 2007 pris en application de la loi du 21 juin 2004
Droit de réponse après la publication d’un article de presse
Le droit de réponse suivant la publication d’un article de presse est garanti aux personnes nommées ou désignées dans un article, même sans intention de nuire, pour leur permettre de faire connaitre leur version des faits. Ce droit prend d’autant plus d’importance aujourd’hui, que les articles publiés en lignes y demeurent indéfiniment consultables au moyen d’une simple recherche internet mentionnant le nom – à fortiori accompagné du prénom – de la personne visée. Or à défaut d’obtenir gain de cause, amiablement ou judiciairement, la personne concernée ne pourra plus rendre sa réponse aussi visible. Conséquence sévère de l’objectif de préserver la liberté de la presse.
De manière générale, les moyens pour voir insérée une réponse ne sont pas facilités par le régime juridique de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 et des textes annexes, qui imposent au contraire de nombreuses règles : délai de prescription de trois mois et spécificités des causes d’interruption, longueur, forme et contenu de la réponse, procédure spécifique de demande d’insertion… au risque de ne pas voir publiée sa réponse malgré le bien-fondé de ses demandes initiales. Ces contraintes juridiques doivent conduire les personnes visées à se rapprocher d’un avocat intervenant en droit de la presse ; l’avocat saisi doit quant à lui s’armer de prudence.
Dans le présent dossier nous avons décidé de proposer au journal concerné la publication d’un nouvel article, de manière courtoise et non litigieuse, avant d’envisager de mettre en demeure de manière formelle le journal et d’engager une action judiciaire. Bien que cela puisse sembler évident, cette proposition « aimable » – et préalable à la phase amiable de la mise en demeure – n’est étonnement pas toujours pratiquée. Or les journalistes sont souvent intéressés par la poursuite de leurs investigations et articles. Quand le demandeur évite le risque des pièges et des contraintes juridiques du droit de la presse. Ainsi le report de la phase conflictuelle peut servir les objectifs réciproques des parties, en sortant de l’habitude d’adversité litigieuse ancrée dans notre culture judiciaire.
La situation vécue par le Docteur Bernard PRADINES
NDLR. Les présents faits sont ici rapportés à la demande du client du cabinet, le Docteur PRADINES dans l’objectif de présenter précisément sa version qui avait fait l’objet d’altération dans un premier article de presse publié le 01/07/24, avant que le journal n’accepte de l’interviewer et de publier sa réponse dans les mêmes formes le 26/09/24. Cette publication est ainsi réalisée par notre cabinet dans l’exercice de sa mission de soutien de la cause de son client, dont nous nous réjouissons de l’issue positive de la procédure pour laquelle il nous a saisi.
Des attitudes odieuses subies dans un bureau de vote par un citoyen bénévole
Dans la perspective du dimanche 30 juin 2024 le Docteur PRADINES, médecin retraité impliqué dans la vie citoyenne de la ville d’ALBI, était contacté par une amie qui lui demandait d’aider à tenir un bureau de vote lors du premier tour des élections législatives anticipées. Peu coutumier de l’exercice d’assesseur, mais volontaire, il acceptait d’apporter son concours lors de cette journée démocratique. D’autant plus qu’une affluence importante était attendue, tel que s’en inquiétait l’association des Maires de France dans un communiqué du 10 juin 2024 de la difficulté de trouver des assesseurs « en raison du désengagement massif des candidats et des partis politiques à proposer des personnes bénévoles ».
Cependant en cours de journée il comprenait que sa présence, sans doute jugée dérangeante en raison de son étiquette politique minoritaire, n’avait pas été organisée de manière règlementaire : sa venue n’avait pas été notifiée au plus tard à 18h le troisième jour avant le scrutin comme le dispose l’article 46 du Code électoral. Bien que le médecin fut positivement connu par le Président du bureau de vote. Mais au lieu d’être simplement informé de cette subtilité règlementaire par ce dernier, il allait regretter de subir une mise à l’écart désagréable, puis menaçante et enfin violente, de la part d’un assesseur de l’équipe municipale.
Le Docteur PRADINES rapporte ainsi avoir été surpris par la virulence de plusieurs mises en causes à son égard, manifestant une hostilité avec tutoiement et insulte. Alors qu’il n’était venu que dans l’intention d’aider bénévolement et aurait pu repartir tout aussi volontairement si ceci lui avait été signifié. Pire, après avoir tenté de répondre poliment aux véhémences subies, il rapporte avoir été frappé de dos au niveau de la tête et des épaules, avec violence. Heureusement d’autres personnes présentes retenaient l’agresseur, tandis que lui-même se trouvait dans un état de sidération et d’incrédulité.
Pour voir mis un terme à cet incident, il devait ensuite attendre l’arrivée de la police nationale qu’il avait lui-même appelée, précédée par la police municipale contactée par le Président du bureau de vote, le premier adjoint. Le Docteur PRADINES regrettait d’avoir été le seul exclu du bureau de vote, alors que son agresseur y restait en bénéficiant visiblement du soutien de l’équipe majoritaire, sans doute plus lié à son étiquette qu’au bien-fondé de sa position. Pourtant aucune considération partisane ne devrait en principe se mélanger au scrutin, ni aucune action violente d’ailleurs, sous la responsabilité du Président du bureau de vote en application de l’article R.49 du Code électoral.
Le Docteur PRADINES décidait alors de porter plainte, refusant de laisser libre cours à ce type d’attitudes dans un climat social déjà altéré. S’opposer à ce type d’incivilités lui apparaissant comme constitutif d’un acte civique. Raison pour laquelle il décidait de réagir à l’exposition publique de ces faits, espérant dans un même temps aider à les voir diminués. Il espérait enfin la reconnaissance de son statut de victime et un retour à la normale des relations entre les protagonistes, notamment au moyen d’un échange apaisé ou d’une médiation.
Des menaces imaginaires et l’absence de comportements déplacés, pourtant repris dans un premier article de presse
A ce premier sentiment d’injustice, un second allait s’ajouter lors de la découverte le lendemain de la publication d’un premier article de presse le 1er juillet 2024 dont certains passages ne correspondaient pas aux faits subis.
Notamment cet article sous-entendait qu’il aurait été lui-même l’auteur de menaces ou de comportements déplacés (« deux assesseurs d’un bureau de vote d’Albi menacent d’en venir aux mains (…). La municipalité évoque des comportements déplacés »), ce qu’il conteste fermement. Pire, il y était visé de manière nominative à l’inverse de son agresseur dont l’anonymat était respecté. L’article de presse rapportait cependant une partie des violences subies en les édulcorant (« jusqu’à ce qu’un de l’équipe habituelle prenne le nouvel arrivé par les épaules et le secoue en le menaçant »de lui en coller une » »), ainsi que l’injustice de l’absence d’exclusion de son agresseur.
Le Docteur PRADINES décidait rapidement de contacter l’organisme de presse afin d’obtenir une modification ou précision de certains passages, surtout sur internet où la mémoire des publications se prolonge dans le temps. A défaut quiconque rechercherait son nom sur un moteur de recherche, même dans un tout autre contexte, trouverait en premier lien cet article pour une période indéfinie et prévisiblement pour plusieurs décennies…
Droit de réponse accordé « aimablement » et publication d’un second article de presse
C’est dans ce contexte que le Docteur PRADINES se rapprochait du cabinet DNM AVOCAT et qu’il lui était conseillé de s’orienter vers la procédure du droit de réponse de l’article 13 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.
Selon ce texte « le directeur de la publication sera tenu d’insérer dans les trois jours de leur réception, les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le journal ou écrit périodique quotidien sous peine de 3 750 euros d’amende sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts auxquels l’article pourrait donner lieu (…). Cette insertion devra être faite à la même place et en mêmes caractères que l’article qui l’aura provoquée, et sans aucune intercalation ». L’article 6 de la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique et le décret du 24 octobre 2007 sont venus préciser les conditions d’application de ce droit de réponse, aux côtés d’une faculté de rectification, notamment : « La réponse sollicitée prend la forme d’un écrit quelle que soit la nature du message auquel elle se rapporte. Elle est limitée à la longueur du message qui l’a provoquée ou, lorsque celui-ci ne se présente pas sous une forme alphanumérique, à celle de sa transcription sous forme d’un texte. La réponse ne peut pas être supérieure à 200 lignes ».
Mais avant d’agir au moyen d’une mise en demeure « amiable », c’est-à-dire d’une demande formelle par courrier d’avocat, Maître David NABET-MARTIN prenait l’initiative de contacter le journaliste auteur de l’article concerné et de lui proposer une suite à son premier article. Autrement dit, plutôt que d’entrer dans un rapport de force et d’exiger l’exercice d’un droit, était formulée une première demande « aimablement ». La méthode cordiale est d’ailleurs généralement plus efficace que la demande contraignante en matière de presse, en pratique vouée à l’échec auprès des journaux avant la saisine des juridictions : les organismes de presse ayant tendance à refuser les demandes d’insertion de droits de réponse, refusant que des tiers décident de l’organisation de leurs « colonnes » comme le ferait un directeur de la publication et par voie de conséquence que ces pratiques se multiplient. Ce qui en pratique conduit le demandeur à envisager :
- Soit le dépôt d’une plainte pénale pour refus d’insertion,
- Soit l’assignation devant les juridictions civiles du directeur de la publication au moyen d’une action en insertion forcée du droit de réponse. Autrement dit à l’engagement d’un coût et d’une procédure judiciaire, d’autant plus incertaine que de nombreux pièges et contraintes jalonnent la matière du droit de la presse.
Quand à l’inverse les médias sont souvent intéressés par de nouveaux sujets afin d’informer le public, en présence de « suites » ou de nouveaux évènements.
C’est ainsi que nous apprenions que le journal concerné était intéressé par la couverture des suites de cette affaire et comprenait l’intention de précision du Docteur PRADINES. Nous rencontrions donc le journaliste auteur du premier article dans les locaux du quotidien et lui exposions les motifs de notre demande. Nous prenions aussi le temps de préciser l’importance pour le client du cabinet de ne pas « laisser passer » ce type d’agressions dans le contexte actuel d’augmentation des incivilités, d’autant plus qu’elles étaient survenues dans un lieu démocratique.
Finalement le nouvel article espéré était rédigé par le journal – que nous remercions à nouveau – dans un premier temps au moyen d’une brève publiée dans la version papier du quotidien du 19 septembre 2024, mais non accessible en ligne. Nous demandions alors que cette publication soit également accessible sur internet, dans les mêmes formes que l’article initial, et obtenions satisfaction à cette demande dans un second temps, le 26 septembre 2024, soit avant l’écoulement du délai de prescription de trois mois.
Le nouvel article publié permettait ainsi de répondre aux attentes du Docteur PRADINES, souhaitant exposer sa version des faits, mais aussi exprimer son intention de voir prises des mesures pour que ne se renouvellent pas ce type de situations, en l’espèce des violences volontaires commises sur une personne dans un bureau de vote : « Aujourd’hui je souhaite que cet incident soit traité par la justice (et par) la ville, qu’il ne soit pas mis sous le tapis ».
Notre cabinet d’avocats est en tout cas ravi d’avoir pu obtenir satisfaction pour notre client suivant sa demande de droit de réponse, en privilégiant des méthodes amiables et constructives au service du résultat visé.