Une personne qui a été placée en détention provisoire et qui bénéficie à l’issue de la procédure la concernant d’un non-lieu, d’une relaxe ou d’un acquittement, a droit à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.
Autrement dit, une personne qui a été incarcérée avant toute condamnation pénale doit être indemnisée si, à l’issue de l’instruction ou du jugement, a été constatée l’insuffisance des éléments permettant de l’inculper des faits reprochés.
Cette procédure d’indemnisation est régie par les articles 149 et suivants du Code de procédure pénale, puis R.26 à 40-22 du même code, qui disposent que ce droit à réparation doit être rappelé à la personne concernée lors de la notification de la décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement. En pratique, son avocat déposera une telle requête à son bénéfice.
D’un point de vue juridique, il s’agit d’une responsabilité sans faute – c’est-à-dire ne nécessitant pas de prouver qu’une faute a été commise par les magistrats ayant décidé la détention – qui permet d’indemniser l’intégralité des préjudices subis du fait de cette privation de liberté.
Selon la Commission nationale de réparation des détentions, « cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, moral et matériel directement lié à la privation de la liberté » (CNRD, 01 RD, 017, 27 mai 2002).
Ainsi, l’intéressé peut solliciter comme indemnisation :
- Le versement de dommages et intérêts en réparation des préjudices personnels et des préjudices moraux subis (par exemple : les douleurs morales ressenties, les réactions anxio-dépressives ou troubles psychologiques, les conditions d’incarcération vécues, etc.). Étant ici précisé que le préjudice psychologique sera d’autant plus important que la détention aura été longue ou difficile. Cette responsabilité permet donc, d’une certaine manière, de réparer l’atteinte portée à la présomption d’innocence par la personne détenue avant toute condamnation pénale, en dédommageant les atteintes portées à son honneur et à sa considération.
- L’indemnisation des pertes matérielles et financières causées par cette détention (par exemple : les pertes de revenus, les pertes de chances comme celle d’obtenir un emploi, les frais de procédure engagés, etc.).
Chaque poste de préjudice devant être étayé à l’aide de justificatifs médicaux ou administratifs, dans l’objectif de démontrer au mieux la réalité des indemnisations sollicitées. Ces pièces sont en pratique jointes par l’avocat au soutien de la requête déposée.
À ce titre la personne concernée peut, si cela est opportun, demander que son préjudice soit évalué au moyen d’une expertise contradictoire ; par exemple en rencontrant un médecin-psychiatre qui déterminera précisément les souffrances psychiques ressenties.
Concernant les exclusions légales, aucune réparation ne sera admise si la décision de non-lieu ou celle ayant permis d’innocenter pénalement l’intéressé, a seulement été justifiée par :
- L’existence d’une irresponsabilité pénale du fait d’une abolition du discernement ou du contrôle des actes, au sens de l’article 122-1 du Code pénal.
- Une amnistie postérieure au placement en détention provisoire.
- La prescription de l’action publique intervenue après la libération de la personne, lorsqu’elle était dans le même temps détenue pour une autre cause.
- Lorsque la personne a fait l’objet d’une détention provisoire pour s’être librement et volontairement accusée ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l’auteur des faits aux poursuites.
Concernant désormais la procédure d’indemnisation en tant que tel, celle-ci est particulièrement rigoureuse.
Elle nécessite en pratique d’être accompagné par un conseil juridique spécialisé, notamment par un avocat pénaliste, afin d’accroître ses chances de succès.
De manière chronologique, cette procédure est ponctuée par plusieurs étapes :
- Tout d’abord, l’avocat choisi doit rédiger une requête en indemnisation de la détention provisoire, dans les six mois du non-lieu de la relaxe ou de l’acquittement, comportant des mentions obligatoires (Art. R.26 du Code de procédure pénale). Cette requête est adressée par l’avocat à l’attention du Premier Président de la Cour d’appel, dans le ressort de laquelle a été́ prononcée la décision considérée.
- Ensuite un représentant de l’État, l’agent judiciaire de l’État, et le procureur général peuvent déposer des conclusions pour exposer leurs prétentions respectives et contester celles du demandeur. En pratique, ils argument conjointement en vue d’obtenir une diminution de l’indemnisation sollicitée.
- Le demandeur et son avocat peuvent à leur tour déposer des conclusions responsives.
- Lors de l’audience l’ensemble des parties est invité à présenter des observations orales ; étant souligné que la plaidoirie de l’avocat permet de répondre utilement aux arguments visant à exclure ou à diminuer les indemnisations demandées.
- Le Premier Président de la Cour d’appel rend alors sa décision d’accorder ou non une réparation, assortie de plein-droit de l’exécution provisoire. Le paiement est, le cas échéant, effectué par le comptable direct du Trésor. La réparation allouée étant à la charge de l’État, ce dernier pourra éventuellement se retourner à l’encontre d’un dénonciateur de mauvaise foi ou d’un faux témoin dont la faute aurait provoqué la détention ou sa prolongation. À l’inverse, si la requête est rejetée, le demandeur peut être condamné aux dépens, à moins que la juridiction ne l’en décharge en partie ou en totalité.
- Enfin la décision peut faire l’objet d’un recours formé par l’intéressé ou par son avocat devant la Commission nationale de réparation des détentions, placée auprès de la Cour de cassation, qui statue en dernier ressort.
En somme, cette procédure a pour objectif de replacer une personne innocentée, ou non-renvoyée devant une juridiction de jugement, dans la situation où elle se trouvait avant son incarcération, finalement injustifiée, en l’indemnisant des préjudices moraux et matériels subis.
Toutefois la pratique révèle que les indemnisations allouées sont souvent en-deçà des dommages effectivement ressentis, prenant insuffisamment en compte l’intégralité des conséquences engendrées ; notamment en retenant qu’elles ne sont pas exclusivement liées à la détention, comme par exemple concernant des ruptures relationnelles ou des refus de délivrance de titres de séjours intervenus en cours d’incarcération.
Et ce, alors que les liens entre ces conséquences et les détentions provisoires apparaissent avec évidence à l’intéressé, tandis que leur reconnaissance engendrerait le versement de sommes supplémentaires de la part de l’État…
Il est donc essentiel d’engager cette procédure avec tout le sérieux qui s’impose, pour obtenir le dédommagement des préjudices subis du fait d’une détention qui n’aurait pas dû avoir lieu, à la lumière du principe cardinal de la présomption d’innocence !
David NABET-MARTIN
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