La victime d’un accident dispose du droit d’être indemnisée des préjudices qu’elle a subis, tant corporels que psychologiques, ainsi que des conséquences financières induites. Une somme d’argent lui sera versée en compensation des dommages ressentis.

Cependant de multiples procédures existent, selon le type d’accident considéré (accident domestique, accident de la route, accident du travail ou maladie professionnelle, accident médical, actes de terrorisme, catastrophes naturelles ou industrielles ; parfois limitant les préjudices indemnisés), et un vocabulaire technique est utilisé.

Ces spécificités complexifient la lecture de la matière, au risque de restreindre les droits des victimes de dommages corporels. D’autant plus que celles-ci viennent de vivre un évènement traumatisant et que toute démarche apparaît comme une importante charge à supporter.

C’est pourquoi il est indispensable :

  • De comprendre quelles sont les grandes catégories de préjudices indemnisables : afin de connaître ses droits à réparation et pour pouvoir constituer au mieux son dossier, en regroupant les preuves utiles (notamment pour préparer la rencontre cruciale avec le médecin-expert qui évalue les préjudices subis dans un rapport d’expertise médicale).
  • D’être défendu par un avocat spécialisé en la matière : qui pourra soutenir les victimes dans la gestion de leurs procédures, solliciter le versement de provisions (sommes d’argent versées en cours d’instance), s’adresser à leur bénéfice aux divers interlocuteurs rencontrés (assureurs, juristes et professionnels de santé). Mais aussi réaliser le calcul des sommes correspondant aux préjudices subis, pour leur obtenir la meilleure indemnisation possible.

Cet article propose donc de présenter de manière synthétique les grandes catégories de préjudices retenues en droit indemnitaire, car s’il est impossible de changer certaines circonstances du passé, il est indispensable de se préparer au mieux pour envisager l’avenir.

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La classification consacrée en droit français a été proposée par une commission présidée en 2005 par Jean-Pierre DINTILHAC, alors magistrat près la Cour de cassation.

Bien « qu’indicative », la nomenclature établie a été reprise par les praticiens du droit de l’indemnisation, tout en restant « susceptible au besoin de s’enrichir de nouveaux postes de préjudice qui viendraient alors s’agréger à la trame initiale » (cf. Introduction du rapport, p.4).

Tout d’abord, concernant les catégories de préjudices subis il faut distinguer :

  • Les préjudices financiers ou économiques, dits patrimoniaux, qui induisent des conséquences dans le patrimoine de la victime (comme les dépenses de santé, les pertes de salaires lors de l’arrêt de travail ou les frais d’aménagement du logement).
  • Les préjudices ressentis personnellement par la victime, dits extra-patrimoniaux (comme les souffrances endurées, le préjudice esthétique ou le déficit fonctionnel).

Ensuite, il faut identifier les victimes concernées par la réparation : d’une part les victimes de l’accident (victimes directes) et d’autre part les proches de ces victimes (victimes indirectes).

I. LES PRÉJUDICES DE LA VICTIME DIRECTE.

La victime d’un accident peut subir des préjudices patrimoniaux (A) et extra-patrimoniaux (B).

A). Les préjudices patrimoniaux :

La présente catégorie concerne les dommages soufferts par la victime dans son patrimoine, c’est-à-dire ayant eu une conséquence directe sur sa situation financière. Ils peuvent être temporaires (lorsque l’état de santé est encore évolutif), ou permanents (lorsque les lésions sont consolidées, c’est-à-dire en présence de séquelles définitives stabilisées).

1° Les préjudices patrimoniaux temporaires :

Il s’agit ici des premières dépenses engagées avant la consolidation des blessures, que sont :

  • Les dépenses de santé actuelles (D.S.A.) : Le principe de la responsabilité civile permet à la victime de ne pas supporter les frais médicaux, paramédicaux ou pharmaceutiques engendrés par l’accident. Il peut s’agir des frais d’hospitalisation, d’achat de matériel ou de traitements rendus immédiatement nécessaires, des frais d’orthophonie ou de kinésithérapie. Il est ainsi important de conserver tout justificatif, factures ou reçus.
  • Les frais divers (F.D.) : Ces frais comprennent l’intégralité des autres dépenses liées à l’accident, comme le règlement des honoraires d’un médecin-expert consulté à titre privé, le remboursement de frais kilométriques ou de transports engagés pour consulter un spécialiste ou pour se déplacer lors de convocations officielles. Il est une nouvelle fois nécessaire de justifier de son mieux les remboursements sollicités. Sont en outre intégrés les frais d’assistance par tierce-personne avant consolidation, selon la présente nomenclature (frais de garde d’enfants, soins ménagers, assistance temporaire dans les besoins de la vie courante), et les frais d’adaptation temporaire d’un véhicule ou d’un logement.
  • Les pertes de gains professionnels actuels (P.G.P.A.) : Il s’agit désormais d’indemniser les pertes provisoires, totales ou partielles, de revenus professionnels de toutes sortes –comme les diminutions de salaires ou de primes qui auraient été perçues en l’absence d’accident – subies avant la stabilisation de l’état de santé ou avant la guérison.

2° Les préjudices patrimoniaux permanents :

Les préjudices patrimoniaux permanents, ressentis même après la consolidation de l’état de santé, doivent être indemnisés lorsqu’un lien de causalité est établi avec l’accident subi.

  • Les dépenses de santé futures (D.S.F.) : Ces dépenses désignent les frais médicaux, paramédicaux et pharmaceutiques engagés à la suite de la consolidation des blessures. Il s’agit par exemple de recevoir une somme d’argent pour anticiper des consultations à venir, médicales ou auprès de kinésithérapeutes, des hospitalisations ou des analyses périodiques, des soins infirmiers, ainsi que l’achat et le renouvellement de matériel rendu indispensable (prothèses ou appareillages spécifiques). Est par ailleurs remboursé le surcoût engagé dans l’acquisition ou la location d’un nouveau logement.
  • Les frais de logement adapté (F.L.A.) : Ces frais sont indemnisés lorsque les séquelles subies imposent l’adaptation du logement de la victime – en adéquation avec son handicap – notamment par l’installation de rampes d’accès, de salles de bains adaptées ou de lits médicalisés, à la lumière de factures, de devis ou de rapports d’expertises.
  • Les frais de véhicule adapté (F.V.A.) : De manière similaire ces frais concernent l’achat, l’aménagement et l’entretien de véhicules adaptés aux nécessités de la victime, pour favoriser le maintien de son autonomie. Il peut s’agir en pratique de l’installation d’une boîte automatique, de permettre l’accès en fauteuil roulant au poste de conduite ou de l’installation de commandes manuelles. Sont de plus assimilés les surcoûts en frais de déplacements engagés en raison du manque d’accessibilité des transports en commun.
  • L’assistance par tierce personne (A.T.P.) : Ce poste de préjudice indemnise les dépenses permanentes projetées de services à la personne – journaliers ou hebdomadaires – qu’il s’agisse d’aides ménagères ou médicalisées (nettoyage, garde d’enfants, passages infirmiers). Doivent ici être pris en considération la situation personnelle et professionnelle de l’intéressé, la présence d’enfants dans le foyer ou les séquelles subies, pour évaluer concrètement ses besoins effectifs dans sa vie quotidienne.
  • Les pertes de gains professionnels futurs et l’incidence professionnelle (P.G.P.F. et I.P.) : Il s’agit à ce niveau d’indemniser les pertes ou diminutions permanentes de revenus professionnels constatées, ou celles estimées concernant les jeunes victimes n’étant pas encore rémunérées. Il s’agit en outre d’indemniser d’autres incidences périphériques, telles que la dévalorisation sur le marché du travail, les disqualifications ou reclassements, l’augmentation de la pénibilité, les licenciements pour inaptitude ou les pertes de droits à la retraite, qui devront par conséquence être assumées. Enfin, les frais de formation ou de stages de reconversions sont intégrés dans cette catégorie.
  • Le préjudice scolaire, universitaire ou de formation (P.S.U.) : Ce poste permet de réparer désormais les pertes d’années d’études et les retards consécutifs à la survenance du dommage, ainsi que les éventuelles modifications ou renonciations d’orientations préjudiciant gravement l’intégration de la victime dans le monde du travail.

B). Les préjudices extra-patrimoniaux :

Les préjudices extra-patrimoniaux sont ressentis personnellement par la victime, une nouvelle fois de manière temporaire ou permanente.

1° Les préjudices extra-patrimoniaux temporaires :

Ces préjudices sont appréciés jusqu’à la date de consolidation, donc ne sont pas irréversibles.

  • Le déficit fonctionnel temporaire ou l’incapacité temporaire totale (D.F.T. ou I.T.T.) : L’invalidité est qualifiée de temporaire lorsque la victime est immobilisée ou gênée dans ses activités de manière partielle ou totale, seulement pendant la maladie traumatique ou durant ses hospitalisations. Est à ce titre prise en compte la perte de la qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante (tenant par exemple de la séparation avec l’environnement familial et amical, des préjudices temporaires sexuels ou d’agrément).
  • Les souffrances endurées (S.E.) : Le « pretium doloris » (ou prix de la douleur) se réfère aux douleurs physiques et psychologiques endurées temporairement, lors de l’accident ou de l’hospitalisation, qu’elles soient brèves ou diffuses. L’échelle retenue par le médecin-expert allant de 0 pour les douleurs légères à 7 pour les plus sévères.
  • Le préjudice esthétique temporaire (P.E.T.) : Ce préjudice est constitué en présence de lésions ou d’altérations physiques visibles et disgracieuses, le jour-même ou les jours suivant l’accident (hématomes, brûlures), ou en pratique lorsque certains équipements inesthétiques ont été rendus nécessaires dans cette période précédant la consolidation (plâtre, canne anglaise, etc.).

2° Les préjudices extra-patrimoniaux permanents :

Les préjudices extra-patrimoniaux permanents sont ressentis par la personne de manière définitive, après la date de consolidation fixée par le médecin-expert.

  • Le déficit fonctionnel permanent ou l’atteinte à l’intégrité physique et psychique (D.F.P. ou A.I.P.P.) : Ces catégories permettent d’appréhender les situations où l’invalidité de la victime est irréversible, en indemnisant les séquelles physiques, psycho-sensorielles, intellectuelles ou psychologiques, mais aussi la perte de la qualité de vie ou les troubles ressentis dans les conditions d’existence. Lorsque ces préjudices sont d’origine professionnelle, est utilisée l’expression d’incapacité permanente partielle (I.P.P), ou totale, puis est fixé un pourcentage conduisant au versement d’un capital ou d’une rente.
  • Le préjudice d’agrément (P.A.) : Est ici considéré le fait qu’une victime ne puisse plus pratiquer une activité sportive ou de loisir qu’elle exerçait auparavant de manière régulière et encadrée (les juridictions imposant souvent que cette preuve soit fournie au moyen de licences ou de justificatifs solides, restreignant ainsi le champ d’application de ce préjudice).
  • Le préjudice esthétique permanent (P.E.P.) : Ce préjudice est constitué en présence de lésions visibles, disgracieuses et perpétuelles (cicatrices, membre sectionné, démarche altérée, installation de prothèses, etc.), évaluées sur une échelle de 0 à 7.
  • Le préjudice sexuel (P.S.) : Cette catégorie permet d’indemniser les dommages liés à la sphère sexuelle. Premièrement sont considérées les lésions des organes sexuels primaires et secondaires (préjudice morphologique). Deuxièmement les répercussions éprouvées au titre des relations sexuelles, dont en cas de perte de possibilité de les pratiquer, de perte de plaisir ou de libido (préjudice lié à l’acte sexuel). Troisièmement en cas de limitation ou de perte de la faculté procréatrice (préjudice de procréation). Il est ici tenu compte de l’âge de la victime, de sa situation et de ses projets personnels.
  • Le préjudice d’établissement (P.E.) : Ce préjudice recouvre la perte de chance de réaliser un projet de vie familial, comme lorsque l’accident aura empêché la victime de se marier, de fonder une famille ou bouleversé ses projets de vie en raison de la gravité du handicap. Certaines juridictions intègrent de plus au sein de ce poste la perte de chance de réaliser un projet scolaire ou professionnel, d’autres fois indemnisé au moyen du préjudice scolaire, universitaire ou de formation (infra).
  • Les préjudices permanents exceptionnels (P.P.E.) : Ces dommages exceptionnels « prennent une résonance toute particulière soit en raison de la nature des victimes, soit en raison des circonstances ou de la nature de l’accident à l’origine du dommage ». Il doit s’agir de situations exceptionnelles, comme de catastrophes naturelles, industrielles ou d’attentats (Civ. 2e, 11 sept. 2014, n°13-10.691), lorsque les préjudices présentent de telles spécificités qu’ils n’entrent dans aucune autre catégorie (par exemple si l’accident empêche la victime de respecter ses rituels religieux, en ne pouvant plus s’agenouiller).
  • Les préjudices liés à des pathologies évolutives hors consolidation (P.EV.) : Cette catégorie atypique a pour vocation d’indemniser le fait de contracter des pathologies évolutives graves et incurables, dont le risque d’évolution constitue en lui-même un chef de préjudice (comme en cas de contamination au virus du sida ou de l’hépatite C, concernant l’amiante ou la maladie de Creutzfeldt-Jakob). Il est ainsi possible de la rapprocher du préjudice d’anxiété, considérant « le préjudice résultant pour une victime de la connaissance de sa contamination par un agent exogène, quelle que soit sa nature (biologique, physique ou chimique), qui comporte le risque d’apparition à plus ou moins brève échéance, d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital » (cf. Les Annonces de la Seine, 23 juin 2005, n°43, p. 4).

II. LES PRÉJUDICES DE LA VICTIME INDIRECTE.

Les proches de la victime directe peuvent aussi subir des préjudices patrimoniaux (A) ou extra-patrimoniaux en raison de l’accident (B), lorsque celle-ci décède ou est gravement blessée.

Concrètement, les victimes indirectes sont les membres de la famille partageant un lien étroit avec la victime directe – de sang ou affectif et quotidien – comme le conjoint, les enfants, les parents ou les frères et sœurs. La condition de communauté de vie pouvant être retenue selon les hypothèses dans la désignation de ces ayants-droit, ou victimes « par ricochet ».

A). Les préjudices patrimoniaux des victimes indirectes :

Les préjudices ressentis dans le patrimoine des proches de la victime sont similaires à ceux précédemment détaillés, qu’ils soient temporaires ou permanents. Il est ainsi possible de citer :

  • Les frais d’obsèques (F.O.) : Lorsque la victime directe est décédée, ses proches pourront demander au responsable du dommage ou à l’assurance en charge de l’indemnisation d’assumer les frais d’obsèques ou d’entretien de la sépulture, qui en pratique peuvent être élevés, sur présentation de justificatifs.
  • Les pertes de revenus des proches (P.R.) : Ce préjudice a pour vocation de réparer les pertes financières subies par les proches, conjoints ou enfants à charge, en cas de diminution ou de disparition du salaire de la victime dont ils bénéficiaient. La réparation étant calculée au vu du revenu annuel du foyer et du train de vie antérieur à l’accident. Est par ailleurs prise en considération la situation où le proche est forcé de suspendre temporairement ou définitivement son activité professionnelle, comme en cas d’accompagnement de la victime directe (sauf déduction de l’indemnité d’assistance par tierce-personne).
  • Les frais divers des proches (F.D.) : Ces frais recouvrent l’intégralité des dépenses liées à l’accident, de manière similaire aux frais divers engagés par la victime directe, tels que les frais d’expertise déboursés lorsqu’un médecin-conseil a été sollicité, les frais de transport ou de restauration rendus nécessaires par les circonstances (par exemple lors d’audiences ou pour rendre visite à la victime directe immobilisée).

B). Les préjudices extra-patrimoniaux des victimes indirectes :

Les préjudices extra-patrimoniaux des proches de la victime indemnisés en pratique sont :

  • Le préjudice moral ou d’affection (P.M. ou P.AF.) : Ce préjudice a pour objet, autant que de raison, d’indemniser les souffrances morales subies à la suite de l’accident, en tenant compte des circonstances de l’évènement ou de l’intensité des relations entretenues (familiales ou du lien affectif attesté). La notion de préjudice moral étant utilisée en cas de décès de la victime directe, tandis que celle de préjudice d’affection est privilégiée en cas de handicap, pour indemniser la vue de la douleur ressentie par la victime directe de sa déchéance ou de sa souffrance, et le retentissement pathologique que la perception du handicap a pu entraîner chez les proches.
  • Le préjudice d’accompagnement (P.AC.) : Ce préjudice désigne les souffrances et bouleversements entrainés sur le mode de vie des proches partageant une communauté de vie, afin de prendre en compte le préjudice moral de l’accompagnant dans ses conditions d’existence, dont en situation d’affection grave ou de fin de vie.
  • Les préjudices extra-patrimoniaux exceptionnels (P.EX.) : Cette catégorie a pour objectif de faciliter la réparation de troubles graves et exceptionnels dans les conditions d’existence des proches partageant une communauté de vie avec la victime directe, comme en matière de terrorisme, de catastrophes naturelles ou industrielles, voire pour indemniser les préjudices sexuels vécus par le conjoint.-
  • Le préjudice de perte de chance de survie (P.P.C.S.) : Ce dernier préjudice indemnise les souffrances morales ressenties par la victime en raison de la prise de conscience de son futur décès, lorsqu’elle n’a pas succombé de manière immédiate.

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En somme l’enjeu de cette classification – certes complexe mais exhaustive et non-limitative – est de remettre la victime ou ses ayants-droit dans une situation comparable à celle antérieure au fait générateur subi, autant que faire ce peu, au moyen d’indemnisations financières et par la reconnaissance des préjudices subis.

David NABET-MARTIN






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